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L’infection à l’hépatite C est secondaire à la consommation de substances illicites pour les personnes dans le système correctionnel

Un gros plan d’une cuillère et de deux seringues remplies et non bouchées placées sur une table.

Le virus de l’hépatite C (VHC) est l’une des maladies transmissibles par le sang les plus répandues parmi les personnes incarcérées, avec un taux d’incidence en croissance partout dans le monde. De nombreuses personnes qui consomment des drogues par injection pendant leur incarcération sont obligées de partager à la fois les substances et le matériel de consommation, ce qui les expose à un risque accru de contracter le VHC.

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 71 millions de personnes dans le monde vivent avec l’hépatite C. Plus de 10 millions de personnes sont actuellement incarcérées; 30 % des hommes et 51 % des femmes incarcérés déclarent souffrir de troubles liés à la consommation de substances. Souvent, l’accès aux programmes de distribution de seringues et d’aiguilles est limité, voire inexistant. Les personnes incarcérées qui s’injectent des drogues ont une prévalence huit fois plus élevée de VHC que celles qui ne s’injectent pas de drogues.

L’OMS a développé un plan pour éliminer les hépatites virales d’ici 2030. Les personnes incarcérées sont l’une des principales populations prioritaires, mais avec la COVID-19 qui détourne tant de ressources, comment allons-nous atteindre les objectifs d’élimination ?

Au Canada, un quart des personnes incarcérées dans les prisons fédérales sont atteintes de l’hépatite C. On rapporte que la prévalence du VHC dans les prisons canadiennes se situe entre 17 et 40 %, ce qui est 20 à 50 fois plus élevé que dans la population générale. Les taux élevés de transmission du VHC et du VIH dans les prisons sont attribués au partage de seringues et de réchauds utilisés pour l’injection de drogues, ce qui augmente le risque de transmission des agents pathogènes par le sang et d’autres problèmes de santé.

“Au Canada, un quart des personnes incarcérées dans les prisons fédérales sont atteintes de l’hépatite C. On rapporte que la prévalence du VHC dans les prisons canadiennes se situe entre 17 et 40 %, ce qui est 20 à 50 fois plus élevé que dans la population générale.”

Au Nouveau-Brunswick, 32.5 cas d’hépatite C pour 100 000 personnes ont été signalés en 2017, l’utilisation de drogues injectables étant considérée comme le facteur de risque le plus répandu. La consommation de drogues est sur-représentée dans le système correctionnel provincial par rapport à la population générale, avec 60 % des personnes incarcérées déclarant une dépendance et 48 % déclarant des troubles concomitants. 27 % des personnes incarcérées dans les prisons provinciales ont déclaré avoir reçu un diagnostic positif de VHC.

La mise en place d’un programme d’échange de seringues et/ou d’un site d’injection supervisé dans les centres correctionnels provinciaux du Nouveau-Brunswick sont deux réponses politiques possibles à envisager.

Depuis juin 2018, le Service correctionnel du Canada (SCC) met en oeuvre des programmes d’échange de seringues dans les prisons fédérales du Canada, dans le but de réduire le risque de maladies infectieuses comme le VHC. Le Réseau juridique VIH signale que les programmes d’échanges de seringues en prison (PÉSP) présentent des défauts de conception fondamentaux qui violent « la confidentialité des détenus à plusieurs égards, créant des obstacles inacceptables à l’accès. »

Les principaux acteurs politiques qui influencent la mise en œuvre des PÉSP sont les détenus, les équipes de soins de santé, les autorités sanitaires, les agents correctionnels, le ministère de la sécurité publique, les groupes syndicaux et le public. Les personnes incarcérées sont celles qui bénéficient le plus de la mise en œuvre d’un PÉSP parce qu’il leur permet d’avoir un moyen plus sécuritaire pour consommer et diminuer les risques associés à un modèle basé sur l’abstinence, qui favorise une propagation accrue du VHC. En plus de devoir utiliser du matériel d’injection non stérile en raison du manque de fournitures sécuritaires, les personnes incarcérées sont confrontées à d’autres comportements à haut risque liés à la consommation de drogues qui augmentent leur risque de contracter le VHC.

Le personnel correctionnel perçoit les PÉSP comme une menace pour la sécurité de l’établissement et des personnes qui y travaillent. Cependant, en plus de 25 ans de politiques d’échange de seringues en milieu carcéral dans le monde entier, aucun incident d’agression avec une seringue n’a été signalé. Le SCC signale que le PÉSP fédéral contribue à la sécurité du lieu de travail et n’est pas associé à une augmentation des agressions contre le personnel ou les détenus.

“Cependant, en plus de 25 ans de politiques d’échange de seringues en milieu carcéral dans le monde entier, aucun incident d’agression avec une seringue n’a été signalé.”

Donner l’accès à des approches de réduction des risques et à du matériel aux personnes qui consomment des drogues par injection est bien documenté dans la littérature comme étant efficace pour diminuer la transmission du VHC dans les milieux correctionnels. Partout dans le monde, de nombreux programmes ont été mis en œuvre dans les établissements pénitentiaires sans que des menaces pour la sécurité n’aient été signalées. Les personnes qui ne sont pas incarcérées ont accès à du matériel d’injection stérile auprès des agences locales de réduction des méfaits, alors quelle est la différence ?

Le personnel correctionnel a des valeurs fondamentales différentes de celles du ministère de la santé et des autorités sanitaires. Leurs valeurs sont ancrées dans la sûreté et la sécurité de l’institution et du public. Souvent, les besoins individuels des personnes hébergées dans les établissements correctionnels sont sous-valorisés par rapport à la sécurité de l’établissement.

Une hésitation du personnel correctionnel à mettre en place un programme d’échange de seringues dans une prison est l’obstacle le plus évident à la disponibilité d’un tel programme. Plusieurs objections sont souvent formulées, notamment:

  • La contradiction des règles de l’établissement et la croyance que le PÉSP pourrait contribuer à une violence accrue et à l’utilisation de seringues comme arme.
  • La croyance que la mise en place d’un programme entraînerait une augmentation de la consommation de drogues en dévalorisant le message d’abstinence.
  • Une crainte de véhiculer un message antisocial selon lequel la consommation de substances illicites est socialement acceptable.

Les preuves manquent pour démontrer la véracité de ces objections. En fait, des programmes d’échange de seringues ont été mis en œuvre avec succès dans des prisons pour hommes et pour femmes, dans des établissements de tailles diverses, dans des systèmes civils et militaires, dans des établissements qui hébergent les prisonniers dans des cellules individuelles et ceux qui les hébergent en groupe, dans des établissements ayant des cotes de sécurité différentes et dans différentes formes de détention(détention provisoire et condamnation, ouverte et fermée).

Les PÉSP offrent la possibilité d’intervenir et de briser le cycle de transmission du VHC grâce à des stratégies de réduction des risques fondées sur des données probantes dans les établissements correctionnels. Ils offrent la possibilité de mettre des soins de santé de haute qualité à la disposition de populations mal desservies. Sans la mise en œuvre de PÉSP dans les prisons provinciales, le partage de matériel continuera à contribuer à la propagation du VHC sans donner la moindre chance aux personnes incarcérées ou à la société d’atteindre les objectifs d’élimination.