Depuis que la musique est un moyen courant de rassembler les gens, la scène musicale et la consommation de drogues à des fins récréatives vont de pair. Il semble que chaque mouvement musical soit associé à une drogue particulière et des stéréotypes bien précis – que ce soit le cannabis à l’époque du jazz dans les années 1930 (avant la propagande américaine de la « guerre contre les drogues »), le mouvement hippie des années 60 avec le LSD, la culture du « Black-Out Drinking » de la scène punk et métal dans les années 70, ou l’époque du crack et de la NWA dans les années 80 et 90. La musique et la drogue vont ensemble, comme la crème et le café avec une pointe de cocaïne. Toutes deux éveillent les corps et les consciences et rapprochent les gens, mais seule une d’entre elles est criminalisée.
Je suis un membre actif de ma communauté musicale locale depuis la fin des années 1990, et je sais de première main que la consommation de drogues à des fins récréatives est monnaie courante dans tous les bars, partys de maison et festivals – peu importe le genre de musique, la tranche d’âge ou le groupe démographique.
J’ai tout vu dans ma carrière de DJ, même si j’ai principalement acquis mon expérience sur la scène rave et festivalière des années 90 à aujourd’hui (avec des drogues comme l’ecstasy, puis la MDMA). J’ai vu la sous-culture de la musique de danse électronique (EDM) se transformer en une culture à part entière. À mes yeux et aux yeux de ma gang, les raves et les festivals ont toujours été à la mode, et nous nous sommes toujours protégé·es les un·es les autres. Mais depuis quelques temps (avant la COVID), tout le monde semble vouloir démarrer son propre petit festival.
“Cela m’inquiète. Est-ce que ces personnes pratiquent la réduction des méfaits? Est-ce qu’elles connaissent les tests de dépistage de drogues, la naloxone, le consentement? Est-ce qu’elles se soucient les unes des autres?”
En 2019, quand j’ai entendu qu’une organisation de défense des droits appelée HaliFIX Overdose Prevention Society essayait d’ouvrir un site de prévention des surdoses, cela m’a fait repenser à mes propres expériences. Je savais que je devais m’impliquer, d’une manière ou d’une autre. J’ai donc acheté deux chandails pour contribuer à la levée de fonds et j’ai rencontré Matt Bonn, qui est devenu comme un frère pour moi.
L’été dernier, dans l’un des festivals où je suis habituellement DJ, j’ai joué un rôle différent. Je m’occupais de la promotion, de la gestion et je m’assurais que tout le monde était en sécurité et passait un bon moment. Mais je savais qu’il y avait un fossé énorme entre la consommation sécuritaire de drogues et la consommation dangereuse lors de ce type d’événement. Certains d’entre nous de Rock the Dock et de HaliFIX ont donc formé une équipe afin d’offrir de l’éducation, des services, de la naloxone et des ateliers sur le dépistage des drogues.
Nous avons loué un local dans le nord de Halifax, reçu des tonnes de kits de naloxone, des bandelettes de test pour le fentanyl, du matériel de réduction des méfaits – incluant du matériel de protection, des condoms et du lubrifiant – et des tonnes de ressources éducatives. Un ami à moi a aussi tenu une session de partage des connaissances sur le sexe, les drogues et la réduction des méfaits.
“Qui n’aime pas faire du sexe et consommer des drogues? L’important, c’est de le faire de manière sécuritaire.”
Nous avons passé l’après-midi complet à fournir non seulement des informations vitales, mais aussi à recueillir des fonds pour ce qui sera bientôt le premier site de prévention des surdoses (SPS) dans le Canada atlantique. La journée s’est terminée sous le signe de l’enthousiasme. Nous avons récolté plus de 250 dollars pour le SPS. Les consommateur·trices de drogues récréatives ont ainsi pu redonner à la communauté, aidant à mettre en place un service qui aurait dû exister depuis longtemps à Halifax.
Tous les gens consomment des drogues pour des raisons différentes – certains pour soulager la douleur, d’autres pour le plaisir. Si, pour certaines personnes, la consommation s’aggrave et devient compulsive, cela ne signifie pas que nous devons les mettre de côté et les isoler : plus que jamais, nous devons les aider. Et bien que la dépendance à la drogue soit associée à des problèmes de santé mentale qui doivent être traités, la consommation occasionnelle/récréative de drogues est un problème plus répandu et potentiellement plus dangereux, car il n’existe pratiquement pas de services pour un·e consommateur·trice de drogues à usage récréatif. Et si vous demandez de l’aide à vos ami·es, il se peut que vous ne soyez pas pris au sérieux.
Notre meilleure chose à faire en tant que communauté, c’est d’accepter le fait que les relations sexuelles et la consommation de drogues existent et vont continuer d’exister. Nous devons donc pratiquer du sexe plus sécuritaire et promouvoir une consommation de drogues – même par injection – plus sécuritaire. Monsieur et Madame Tout-le-monde doivent comprendre que la réduction des méfaits n’est pas un concept nouveau. Porter une ceinture de sécurité en voiture, mettre un casque à vélo, c’est de la réduction des méfaits. Nous devons accepter les gens tels qu’ils sont, et les aimer inconditionnellement.
Des groupes comme Dancesafe et Bunkpolice, qui existent depuis les années 1990, ont ouvert la voie à une conversation franche sur la consommation de drogues récréatives. Mais ils se sont éteints un peu au début des années 2000, quand la scène des raves d’entrepôt a commencé à fermer. Les années ont passé, la communauté rave s’est installée dans les bars, et la conversation s’est terminée. Aujourd’hui, nous remettons cette conversation de l’avant.
Je me réjouis de cette résurgence dans la dernière décennie. Les festivals se font de plus en plus populaires, et les sites de dépistage de drogues et les ateliers de réduction des méfaits sont courants et courus par les festivalier·ères. Les promoteur·trices de clubs ont ramené cette culture dans les bars, et les levées de fonds ainsi que les discussions honnêtes et ouvertes sur la réduction des méfaits sont en train de devenir la norme.
Ce n’est pas toujours facile de parler de consommation de drogues récréatives plutôt que de dépendance, mais nous devons le faire. Des gens meurent à tous les jours et beaucoup d’entre eux ne sont pas des consommateurs de drogues dures de longue date. Ces personnes sont nouvelles dans le milieu et prennent une drogue qui n’a pas été testée. Je connais beaucoup trop de gens qui sont morts parce qu’ils se croyaient invincibles.