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Évaluation de la nécessité d’un service vital fondé sur des données probantes à Terre-Neuve

Une salle de réduction des méfaits.

Depuis 2014, Terre-Neuve-et-Labrador a connu 2 843 hospitalisations et 181 décès liés à une surdose. Bien que ces chiffres semblent différents d’un point de vue national, il est nécessaire de tenir compte de la population de la province et de se rappeler que les surdoses y sont sous-déclarées. De ces 181 morts par surdose, 124 sont dues à un empoisonnement accidentel. La stigmatisation qui y est associée continue de dissuader les individus d’appeler le 911 en cas de surdose, qui s’avère ensuite mortelle. Mais par-dessus tout, il faut se rappeler que chacun de ces chiffres représente un être cher, un frère, une sœur, un parent, une voisine, un collègue, et un concitoyen ou une concitoyenne de notre province.

Au cours du dernier exercice financier, qui s’est terminé le 31 mars 2020, le programme Safe Works Access Program (SWAP) a distribué 884 749 seringues, ce qui représente une augmentation importante par rapport aux années précédentes. La demande de matériel d’inhalation sécuritaire s’est également accentuée, et le programme SWAP a commencé à offrir des fournitures comme des pipes à récipient, très en demande par les personnes qui fument du crack, de la méthamphétamine ou du cannabis. Depuis décembre 2016, au moins 3 706 trousses de naloxone ont été distribuées dans la province, dont près de 3 000 dans l’Est (péninsule d’Avalon) seulement. Compte tenu des directives et exemptions actuelles en matière de santé et des besoins des personnes qui consomment des drogues de la province, le Provincial Opioid Dependence Treatment Center of Excellence et le AIDS Committee of Newfoundland and Labrador (ACNL) ont réalisé conjointement une évaluation du besoin d’un centre de réduction des méfaits. Cette évaluation visait à déterminer la nécessité d’un tel centre dans la ville de St. John’s; recommander un emplacement et un type de modèle (centre intégré, indépendant ou mobile); faire participer la collectivité, les personnes qui utilisent des drogues et diverses parties prenantes aux consultations et aux discussions sur la consommation de drogues dans la région métropolitaine de St. John’s; et orienter les services actuels et éventuels de réduction des méfaits qui conviennent au contexte local des personnes qui consomment des drogues. Cette évaluation des besoins a fait appel à une combinaison d’approches pour recueillir des données qualitatives et quantitatives. Un sondage d’environ 10 minutes pouvait être rempli en ligne ou sur papier. L’ACNL a remis 20 $ à chaque personne qui consomme des drogues en échange de leur participation au sondage. [1] [2] [3] [4]

Il était prioritaire de consulter les personnes qui utilisent des drogues en tant qu’experts en la matière, car elles ont des idées novatrices et des commentaires précieux concernant leur expérience ou les obstacles à l’accès aux services et la manière de s’y retrouver parmi les services de santé, les services communautaires et les services de soutien social. Il était également essentiel que toute personne souhaitant participer à l’évaluation des besoins soit autorisée, sans subir de jugement, à se retirer à n’importe quel moment durant le processus ou à ne pas répondre à certaines questions. Du nombre, 56 personnes interrogées étaient en détention au moment de répondre au sondage, ce qui a en plus permis de formuler des recommandations pour le système de justice provincial. Un partenariat avec la personne qui coordonne les services en matière de dépendance du pénitencier local nous a permis d’inclure la voix d’une population vulnérable souvent oubliée.

Les réponses nous ont aidés à mieux comprendre ce que les personnes qui utilisent des drogues et les prestataires de soins aimeraient voir comme services dans notre province. Voici quelques faits saillants :

  • Les personnes interrogées ont indiqué s’être injecté des substances dans divers endroits hors de leur domicile, notamment dans des bâtiments abandonnés, des cages d’escaliers, des parcs de stationnement et des ruelles.
  • 42 % des personnes interrogées ont indiqué avoir besoin d’aide pour s’injecter des substances en tout temps ou de temps en temps.
  • Bien que 87 % des personnes interrogées aient indiqué avoir entendu parler du programme de trousses de naloxone à emporter, 75 % ont quand même indiqué ne pas en transporter une sur elles, 22 % ont dit ne pas savoir où s’en procurer une, et 15 % n’avaient pas l’impression d’en avoir besoin ou ne s’en étaient jamais fait offrir une.
  • Dans l’éventualité de la mise sur pied d’un centre de réduction des méfaits, 64 % des personnes interrogées ont indiqué avoir l’intention de l’utiliser. De ce nombre, 19 % ont dit qu’elles l’utiliseraient chaque jour et 70 % qu’elles le fréquenteraient pour prévenir une surdose.
  • Bien que l’alcool et le cannabis soient les deux substances les plus utilisées, il convient de noter que la cocaïne arrive en troisième place, ce qui la hausse au premier rang des substances illicites les plus consommées.

À la lumière des résultats de l’évaluation des besoins, nous avons émis six recommandations pour la création d’un site de besoins urgents en santé publique (SBUSP) :

  1. La Ville de St. John’s bénéficierait de la mise en place d’un ou plusieurs centres de réduction des méfaits. Il pourrait s’agir d’un seul site offrant plusieurs services, ou alors de plusieurs sites qui en offrent quelques-uns, tels que des services de distribution de seringues et de matériel sécuritaire, de prévention des surdoses et intervention, de dépistage du VIH et du VHC, d’aiguillage vers des traitements contre la dépendance aux opioïdes, d’accès à du counseling et d’information sur la réduction des méfaits.

  2. L’établissement devrait être situé dans le centre-ville de St. John’s afin de tenir compte de la tendance et de favoriser la complémentarité avec les autres services de réduction des méfaits déjà offerts dans le même secteur.

  3. Il faudrait penser à offrir des services de réduction des méfaits à l’extérieur de St. John’s. Dans l’éventualité où un site physique n’est pas envisageable, des services mobiles permettraient une offre plus complète aux personnes qui consomment des drogues.

  4. Les trousses de naloxone et les formations sur leur utilisation doivent être plus accessibles aux personnes qui utilisent des drogues. Bien que l’on ne sache pas exactement pourquoi certaines personnes choisissent de ne pas avoir de trousse de naloxone sur elles, un accès accru à ces trousses et à la formation connexe pourrait augmenter le nombre de personnes qui bénéficient de ce service.

  5. Les efforts de réduction des méfaits doivent englober toutes les substances. Bien que de nombreuses personnes aient indiqué qu’elles utilisent des substances qui entrent dans la catégorie des opioïdes, un nombre encore plus élevé a mentionné consommer des substances appartenant à d’autres catégories.

  6. Au moment de mettre en place un centre de réduction des méfaits, il faudrait recueillir des données, sur la santé notamment, afin d’alimenter des processus adéquats d’évaluation et de suivi. Selon ce qui ressort des meilleures pratiques du domaine, une évaluation et un suivi en bonne et due forme sont indispensables au succès, à l’efficacité et à l’expansion éventuelle d’un centre de réduction des méfaits.

Depuis la finalisation de l’évaluation des besoins, notre ministre de la Santé et des Services communautaires a pris connaissance des résultats et de nos recommandations et estime que les données et les preuves de la nécessité d’un centre de réduction des méfaits sont suffisantes. Une étude de faisabilité n’a pas encore été réalisée en raison de contraintes de temps et de la situation sanitaire. C’est pourquoi notre prochaine étape en tant qu’organisation est d’entreprendre une étude de faisabilité pour un SBUSP d’ici janvier 2021 et d’établir le budget et les coûts connexes.

Bien que nous ayons rédigé ce billet, nous ne pouvons conclure sans souligner les personnes qui ont pris part au processus d’évaluation des besoins depuis le tout début. C’est grâce à leur dévouement pour la même cause et à leur désir d’améliorer la santé et la sécurité des personnes qui consomment des drogues dans notre province que nous pouvons nous lancer dans les prochaines étapes nécessaires à la concrétisation de cet objectif.

Lectures de référence :

Mullin, M. [2020, May 15]. N.L. eyeing safe drug sites as pandemic spawns ‘lethal combination’ of risks. cbc.ca/news/canada/newfoundland-labrador/nl-overdose-prevention-sites-1.5569545

Walsh, A. [2020, August 1]. Pandemic shifts how harm reduction works in N.L., as need continues despite COVID-19. cbc.ca/news/canada/newfoundland-labrador/covid-addictions-naloxone-1.5667407

Robinson, A. [2019, December 15]. Naloxone kits one part of battle in Newfoundland and Labrador against opioid overdoses. thetelegram.com/news/local/naloxone-kits-one-part-of-battle-in-newfoundland-and-labrador-against-opioid-overdoses-388484/

L’équipe de recherche était composée de Jane Henderson (B.A., B.Ed., M.A), consultante provinciale en réduction des méfaits, Provincial Opioid Dependence Treatment Center of Excellence; Alexe Morgan (B. travail social et travailleuse sociale autorisée), coordonnatrice de projets en réduction des méfaits, AIDS Committee of Newfoundland and Labrador; et Nyasha Razemba (candidateà la maîtrise en santé publique, B.Sc.), Faculté de médecine de l’Université Memorial, étudiante stagiaire, Provincial Opioid Dependence Treatment Center of Excellence.